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Sous les pavés, les pages - Quatrième édition !

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Villes sanctuaires, gentrification, quartiers populaires : la littérature des villes nous parle d’immigration et de résistance, de clivages sociaux, de politiques sécuritaires, de changements climatiques, des croisements des cultures aussi, qui dépassent les murs ou s’y exposent. La ville est dichotomie et utopie, elle est transgression et progression, elle dit les fractures et les liens. C’est pour encore une fois arpenter ces espaces urbains si riches, surprenants, prenants, qu' Athalie et moi organisons cette quatrième édition des lectures urbaines. L’année dernière, on pense avoir trouvé le bon rythme, celui de deux mois, entre rentrée littéraire, Feuilles Allemandes, et les pérégrinations de l’été qui peuvent être contées. Nous rappelons simplement que les participations peuvent être multiformes : balades en ville, voyages en architecture, podcasts, films, séries, fictions, non fictions, incursions photographiques ou picturales … N’hésitez pas à consulter les bilans des année...

"Le voyage de Hilary Byrd" – Carys Davies

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"L’opinion de Jamshed, c’était que Mr Byrd ressemblait à un scarabée. Un scarabée sur le dos, agitant en tous sens ses bras et ses jambes, se balançant d’un côté, puis de l’autre pour tenter de se remettre à l’endroit." Hilary Byrd est décalé. Décalé par rapport à son époque, et sans doute l’était-il aussi dans la petite ville du Royaume-Uni qu’il a quittée pour une ancienne station britannique du sud de l’Inde. On s’étonne d’ailleurs de cet exil volontaire, en constatant sa naïveté, son absence d’aisance dans les relations sociales, sa détestation des conflits et de toute complication. Mais l’on comprend, grâce aux longues lettres qu’il écrit à sa sœur Wyn -qui s’est toujours occupée pour lui " de tous les désagréments "-, qu’affronter la modernité et l’incivilité croissante du monde occidental était devenu une trop grande source d’anxiété.  Sa rencontre avec le Padre, dans le train à destination de Mettupalayan, a été une bénédiction. L’homme lui a proposé de loge...

"La plus secrète mémoire des hommes" - Mohamed Mbougar Sarr

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"(Mais Dieu n'entendait rien car Dieu s'était crevé les tympans pour survivre et sauver sa santé mentale.)" Entendre Mohamed Mbougar Sarr se revendiquer de Roberto Bolaño en évoquant ce roman en a rendu la lecture évidente… Son titre est d’ailleurs extrait d’un passage du remarquable " Les détectives sauvages ". Comme dans le roman de l’auteur chilien, l’intrigue de "La plus secrète mémoire des hommes" a pour cœur une quête littéraire, qui se matérialise par celle d’un écrivain mystérieux. T.C. Elimane n’aura laissé à la postérité, en plus de ses mystérieuses initiales, qu’un seul livre, "Le labyrinthe de l’inhumain", avant de disparaître sans laisser de traces. Né au Sénégal, c’est grâce à une bourse d’études qu’il arrive à Paris en 1938. La parution de son ouvrage, "chef-d'œuvre d'un jeune nègre d'Afrique", suscite de vives réactions. Davantage considéré comme un phénomène littéraire que comme un écrivain, on le re...

"Disparition inquiétante d’une femme de 56 ans" - Anne Plantagenet

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"… ce n’est pas la personne de Letizia qui a attiré l’attention, c’est son absence." C’est parce qu’elle a entamé un travail de recherche sur son grand-père italien et ouvrier qu’Anne Plantagenet suit le tournage du film En Guerre, de Stéphane Brizé. C’est là qu’elle rencontre, fin 2017, Letizia Storti. Ouvrière à l’usine pharmaceutique UPSA d’Agen, elle fait partie des acteurs non professionnels engagés par le réalisateur. Sans qu’elle sache trop pourquoi, cette femme un peu ronde qui porte des écharpes colorées et des lunettes ostentatoires la touche. Si elle la remarque, c’est parce que Letizia, au départ simple figurante, se met en première ligne, exprimant un besoin d’exister coûte que coûte, de sortir du lot au risque de se faire détester par le groupe. Ça plait bien, en revanche, à Stéphane Brizé, qui laisse faire. Elle la revoit à Cannes où le film est nominé, mais c’est plus tard que nait leur relation, à l’occasion d’un récit que l’auteure prépare pour la revue XXI,...

"Le blues des phalènes" - Valentine Imhof

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"Bobbie était déjà méchamment attaqué. Ce qu’il s’enfilait tous les jours avait fini par lui griller la cervelle aussi sûrement que s’il l’avait mise à frire dans une poêle pleine de saindoux." D’abord, le récit remonte le temps à partir de 1935. C’est l’année où nous faisons la connaissance de Milton. En ces temps de Grande Dépression, il a choisi de se mettre à l'écart des cohortes de cueilleurs à un cent de l'heure et des convois de désespérés qui affluent pour fuir la misère (et qui la retrouvent partout). Et il se fout bien que le monde soit dans la tourmente, tout cela ne le concerne plus, il a depuis longtemps tourné le dos aux hommes. Réfugié depuis dix-huit ans dans les ruines d’une bourgade abandonnée après l’épuisement de sa mine d’argent, il n’a remis qu’une fois les pieds en ville. C’était en 1929, il s’est rendu à Chicago pour contempler l’apocalypse et se réjouir de la ruine de sa famille de millionnaires. Fils d’un richissime homme d’affaires dont il é...

"Ovni 78" - Wu Ming

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"(…) le défi de la narration est d’atteindre la vérité en affrontant l’ineffable, même quand il s’agit de loups-garous et de soucoupes volantes." Italie, août 1976 : deux adolescents, Jacopo et Margherita, alors en camp de scouts sur le Mont Quarzerone, disparaissent. 1978 : Martin Zankini, plus connu sous le pseudonyme de Marty Zanka, vit à Rome des revenus que lui rapportent ses publications sur le thème des extraterrestres. Un marché très porteur, notamment en cette année qui compte le plus grand nombre de signalements d’Ovnis, et où la sortie du film de Steven Spielberg, "Rencontre du troisième type", électrise les ufologues de tout poil. Dans toute l’Italie, fleurissent alors les clubs et associations consacrés aux soucoupes volantes, la plupart du temps sur un mode très amateur, mais animés par une passion authentique.  C’est aussi une période de jeunesse en colère. Le mai 68 italien a duré dix ans, et se termine avec une escalade des assassinats politiques ma...

"L’art de perdre" - Alice Zeniter

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"Ce qu’on ne transmet pas, ça se perd, c’est tout." Le roman se présente comme le résultat du questionnement de Naïma sur la chappe de silence que son père Hamid, né en Kabylie, a posé sur son enfance. Arrivée à l’âge adulte, elle réalise qu’elle ne sait rien de ce pays dont personne ne lui a jamais parlé : son grand-père Ali est mort, et sa veuve Yema parle à peine le français. Soixante ans après leur départ de leur pays natal, elle entame des recherches pour en apprendre davantage sur ses racines paternelles. Ses découvertes se résument plus ou moins à la page que Wikipédia consacre à la guerre d’Algérie…   Le lecteur est plus chanceux, la magie de la fiction lui permettant de remonter le temps pour partir, d’abord à la rencontre d’Ali. Adolescent dans les années 1930, il est orphelin de père, d’un milieu rural et très modeste. Engagé dans l’armée française au début des années 1940, il participera entre autres à la bataille de Monte Cassino ; il rapportera du front des souv...